Centenaire de l'Armistice de la Grande Guerre — Diocèse de Carcassonne & Narbonne

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Centenaire de l'Armistice de la Grande Guerre

Publié le 13/11/2018

A l'occasion du centenaire de l'Armistice de la Grande Guerre, Mgr Alain Planet célébrait ce dimanche 11 novembre une messe à la cathédrale Saint Michel de Carcassonne. 

 

Voici son homélie (disponible également en cliquant ici).

 

"La coïncidence qui nous fait lire ce dimanche l’évangile de l’obole de la veuve pauvre avec le centenaire de l’armistice de 1918 me paraît intéressant à plus d’un chef. Luc introduit cet épisode à la suite de la diatribe de Jésus contre les puissants et qui « dévorent le bien des veuves ». Le 11 novembre 1918 il y avait beaucoup de veuves. Beaucoup d’entre elles allaient encore perdre des enfants, des frères et des sœurs, et parfois mourraient elles même de l’épidémie de grippe - conséquence de la guerre et des difficultés économiques qu’elle avait engendrée. La veuve de guerre devenait un personnage de la société. Les vieux de mon âge se souviennent en avoir connu. Certaines, entretemps, avaient perdu un fils dans les guerres suivantes. Aux veuves « officielles » se joignaient l’innombrable cortège de ces jeunes filles qui avaient perdu un fiancé, un amour commençant et qui devraient affronter la solitude leur vie durant.

Quant aux jeunes hommes qui avaient survécu, beaucoup rejoignaient cet autre statut né de la guerre : celui des « gueules cassées » d’abord sujet de respect puis - au fur et à mesure du temps qui s’écoulait - objet de pitié et poids morts de la société.

Dans son Journal, l’abbé Mugnier - qui avait tant vitupéré la guerre et l’apostasie belliciste des clercs, et d’abord des évêques - notait, à la date du 13 novembre, « je rencontre…, un Américain, je crois qui me dit qu’il est catholique, que l’armistice est signé et qui me donne un bâton de chocolat ». Rencontre touchante et qui pourtant ouvrait une perspective terrible : la première victime de la guerre qui venait de s’achever c’était l’Europe. Un monde venait d’entrer dans une terrible agonie qui le conduirait à une mort ignominieuse au tournant des années 40 avant de se relever non sans soubresauts pour connaître à nouveau de terribles menaces.

Oui, un monde était mort et son acte de décès était peut-être inscrit dans la représentation de Parade de Jean Cocteau et Eric Satie, le 18 mai 1917, qui brisait les codes habituels de l’art socialement reçu et annonçait qu’à la recherche de l’harmonie se substituerait désormais le cri d’une douleur qui ne pourrait plus que se dire dans la dérision. Mais le chocolat gentiment offert par le soldat américain ouvrait un bien autre abîme….

L’armistice de 1918 suspendait les hostilités en Europe occidentale mais la guerre continuait au Moyen-Orient - où les Arméniens paieraient très cher d’avoir cru aux quatorze points de M. Wilson, leur éphémère république noyée dans le sang à Alep, tandis que la partie du Caucase serait dévorée par l’ogre soviétique. Le calvaire des Balkans se poursuivait et la Turquie et la Grèce continuaient un combat qui se terminerait par une « purification ethnique » acceptée sans broncher par la communauté internationale.

L’esprit de vengeance produirait l’aveuglement politique qui présidera aux Traités de Versailles et de Trianon et rendra inévitable la reprise du conflit pour une guerre qui achèvera les destructions de celle qu’on avait cru la Der des der….

Tandis que cette tragédie se déchaînait, alors que l’heure était aux rodomontades patriotiques, même chez les évêques des deux camps, un homme avait essayé de faire entendre sa voix, et je voudrais ici lui rendre hommage. Il n’était pas le seul, son contemporain, Romain Rolland dès 1914 avait appelé à se situer Au-dessus de la mêlée et fut traîné dans la boue pour cela. L’homme que j’évoque était un petit homme disgracié, atteint de nanisme. Il s’appelait Giacomo della Chiesa. L’histoire a gardé son nom de pape : Benoît XV. De 1914 à sa mort, en 1922, il appela à la paix, loin des flonflons héroïques, il qualifia la guerre d’ « horrible boucherie qui déshonore l’Europe » . Il y gagna le surnom de pape boche en France et de französisch papst en Allemagne. Il intercéda jusqu’au bout auprès des belligérants pour obtenir l’arrêt des combats et le 11 novembre 1918 déclarait attendre « le jour … où la charité règnera de nouveau entre les hommes et où la concorde universelle unira les nations en une ligue féconde du bien. ».

Ce jour, nous l’attendons encore même si les nations ont progressé dans la concertation mondiale. Pourtant la guerre règne toujours et - en Ukraine - jusque sur le sol européen. Il y a toujours des veuves de guerre et les puissants continuent à dévorer leurs biens.

Quitte à rejoindre le statut diffamé de Romain Rolland et de Benoît XV, je voudrais redire ici les paroles du saint pape Paul VI à l’ONU - un cri qu’il reprenait des pacifistes allemands de 1924 - : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre. C’est la paix, la paix qui doit guider les peuples et toute l’humanité ».

C’est pour cela qu’aujourd’hui nous prions."