Messe chrismale 2025 - Homélie de Mgr Valentin
Publié le 17/04/2025Homélie de Mgr Bruno VALENTIN
Les huiles saintes, huiles d’Espérance
Un signe est au cœur de notre célébration de ce soir, et lui donne son nom de messe chrismale : c’est le signe de l’huile. « Huile de joie », vient de proclamer le prophète Isaïe dans la 1ère lecture : Huile de joie en tant que l’Esprit Saint consacre celui qui en est oint pour annoncer la Bonne Nouvelle aux petits, pour guérir, pour proclamer la délivrance et la libération, pour consoler, bref : Huile de joie en tant qu’elle accrédite celui qui en est oint pour être prophète d’Espérance. Le premier qui est ainsi désigné, c’est Jésus lui-même, comme il vient de le revendiquer dans l’Evangile. « Aujourd’hui et avec moi, s’accomplit ce qu’annonçait il y a 700 ans le prophète Isaïe », déclare-t-il dans la synagogue de Nazareth en guise de commentaire. Mais le prophétisme de l’Espérance ne s’est pas éteint 3 ans plus tard, avec la fin de la mission terrestre de Jésus. Au contraire : « il a fait de nous un royaume et des prêtres », nous a dit saint Jean dans la 2ème lecture. Autrement dit, si nous sommes oints nous aussi aux grandes étapes de notre vie chrétienne, c’est pour être aujourd’hui et à notre tour, comme Jésus et avec Lui, des prophètes d’Espérance. C’est à cette condition que nous méritons de porter le beau nom de chrétien. Au cœur de notre année jubilaire, je voudrais donc considérer brièvement les 3 huiles bénies ou consacrées ce soir, pour mieux comprendre quelle mission d’Espérance nous recevons de chacune d’elles.
L’huile des catéchumènes, pour commencer, porte une Espérance de transfiguration. Elle est mise en œuvre parmi les rites préparatoire au baptême, comme un signe de la force de Dieu, qui protège et prépare le futur baptisé à la lutte contre le mal et contre les tentations. Cette huile exprime donc l’Espérance que le baptême ne sera pas un simple moment fugace d’émotion, mais un véritable renouvèlement de l’être dans la puissance de Dieu. Il est à noter que l’huile des catéchumènes est reçue avant même le baptême qui nous fait chrétien. Elle exprime donc l’amour prévenant de Dieu qui nous cherche avant que nous ne le cherchions, qui vient lui-même au-devant de nos inquiétudes, de nos faiblesses, pour rénover nos vies. 80 adultes et lycéens seront baptisés dans quelques jours à travers notre diocèse : 80 catéchumènes, et autant d’histoires uniques et personnelles. Mais tous ont en commun d’avoir fait l’expérience de cette puissance de renouveau de Dieu à l’œuvre dans leur vie. Et tous sont donnés à l’Eglise pour être moteur du renouveau de nos communautés. Saurons-nous les accueillir comme des frères et sœurs ? Saurons-nous abandonner enfin le « on a toujours fait comme ça » qui nous paralyse si bien, pour nous laisser bousculer par la fraicheur de ces nouveaux baptisés ? Ils sont le signe d’Espérance pour un renouveau de l’Eglise que Dieu donne à notre temps !
L’huile des malades, ensuite, porte une Espérance de guérison et de réconfort. Elle exprime l’amour de prédilection de Dieu, et sa présence consolatrice auprès de ceux qui souffrent. Au cœur même de la maladie et de la fragilité, l’huile des malades fait briller l’Espérance que la souffrance, physique ou psychique, n’est pas une impasse stérile, mais un chemin vers la vie. Par elle, Dieu redit sa tendresse à chaque malade. Guérir est une tâche primordiale confiée par Jésus à ses disciples. Au seuil de son pontificat, le pape François aimait partager sa vision d’une Eglise hôpital de campagne, en tant qu’elle existe pour porter Jésus au milieu des souffrances du monde. Or la guérison première et fondamentale du cœur de l’être humain, celle dont parlait la prophétie d’Isaïe entendue tout à l’heure, advient par la rencontre avec Jésus. C’est lui qui nous réconcilie avec Dieu, et guérit les cœurs brisés. Le sacrement des malades est la manifestation sacramentelle offerte spécifiquement aux malades de cette mission générale de l’Eglise. Après des siècles de réduction de l’onction des malades à une extrême onction destinée aux seuls mourants, c’est l’excès inverse qui nous guette aujourd’hui : un discours très générique, comme proposé un peu à la cantonade au motif que nous serions tous un peu malade de quelque part… voilà bien un point de vue de bien-portant, qui fait peu de cas, en réalité, de l’épreuve spécifique de la maladie grave, du handicap lourd, et des besoins spirituels propres que cela induit. Avec le sacrement des malades, Jésus nous invite à une attention fraternelle personnelle, individuelle, qui ne se contente pas d’exprimer une bienveillance générale envers les malades, mais qui veut être un signe d’Espérance pour chacun en particulier.
Le Saint Chrême, enfin, porte une Espérance de sainteté. C’est lui qui de manière spécifique exprime ce que disait Saint Jean dans la 2ème lecture : Le Christ fait de nous tous des prêtres, c’est-à-dire des hommes et des femmes chargés de porter les espoirs de l’humanité auprès de Dieu, et l’Espérance de Dieu au cœur de l’humanité. Le Saint Chrême qui brille au front des baptisés et des confirmés manifeste qu’ils sont lumière du monde et témoins de l’amour de Dieu. Sa bonne odeur rappelle que les chrétiens doivent diffuser l’odeur de la sainteté au milieu des puanteurs du mal. Le Saint Chrême proclame que, être chrétien, ce n’est pas seulement avoir une mission, c’est être une mission par toute sa vie. Ce qui est vrai de chaque chrétien l’est de manière toute particulière pour les prêtres, qui sont oints du Saint Chrême au jour de leur ordination sacerdotale. Que la consécration du Saint Chrême nouveau, chers frères dans le sacerdoce, renouvelle ainsi notre joie d’être prêtres, et d’être consacrés de manière spécifique au service de l’Espérance du monde ! Notre diocèse a eu la grâce que le Saint Chrême consacré l’an dernier serve à l’ordination d’un prêtre, le Père Grégoire à l’abbaye de Lagrasse. Nous aurons la joie que celui que je vais consacrer dans un instant serve à nouveau à l’ordination d’un prêtre, le Père Christie Jan, le 29 juin prochain à la basilique Notre-Dame de Marceille. Deo Gratias !
Christie mais aussi Noa, Livia, Aurélie et tant d’autres, chacun de celles et ceux qui seront oints cette année de l’une ou l’autre de ces huiles saintes y trouveront le signe que l’Espérance chrétienne n’est pas un vague optimisme de principe : Elle trouve sa source dans l’attention personnelle de Dieu qui nous regarde un à un, en Jésus, comme des enfants uniques, et qui redit à chacun en particulier : « Tu es mon enfant bien-aimé ». (Mc 1,1) « Tu as du prix à mes yeux, et je t’aime. » (Is 43,4)
✠ Bruno VALENTIN
Evêque de Carcassonne et Narbonne