Ordination de Christie Jan
Publié le 04/07/2025Au cours de la messe d’ordination, notre évêque, Mgr Bruno Valentin, a prononcé une homélie intitulée « Le prêtre, homme d’Espérance ». Une parole forte, adressée à Christie, mais qui résonne profondément pour l’ensemble des prêtres et, plus largement, pour toute l’Église.
Cher Christie, à travers moi, c’est Dieu lui-même qui vous « choisit aujourd’hui pour la charge du presbytérat », comme l’affirmait l’oraison d’ouverture de notre célébration. Je veux rendre grâce à Dieu pour ce choix, qui offre à notre diocèse un si beau signe d’Espérance, à mi-parcours de l’année jubilaire sur ce thème. C’est une grâce faite au Peuple de Dieu qui est dans l’Aude, c’est une grâce faite à notre presbyterium, et c’est une grâce qui vous est faite à vous, spécialement, de pouvoir ainsi comprendre le sens de votre ordination à la lumière de l’Espérance. Le prêtre est, par excellence, l’homme de l’Espérance : en tant qu’il en est le serviteur, en tant qu’il est lui-même fondé sur l’Espérance de Jésus pour lui et avec lui, et donc en tant qu’il est un homme établi dans l’Espérance. Je voudrais approfondir brièvement ces 3 dimensions.
La mission que vous recevez aujourd’hui en devenant prêtre, c’est de servir l’Espérance : l’Espérance des fidèles qui vous seront confiés, et celle de la société tout entière au milieu de laquelle vous exercerez votre ministère. Plusieurs éléments du rituel d’ordination en attestent, et notamment l’onction de vos mains avec le Saint-Chrême : elle signifie votre consécration irréversible pour prêter main forte à l’Espérance, c’est-à-dire vous mettre à son service concrètement, avec tout ce que vous êtes et par tout ce que vous ferez.
Le dialogue d’engagement qui introduit les rites de l’ordination, comme la prière consécratoire elle-même, soulignent 2 modalités de ce service de l’Espérance, que sont le ministère de la Parole, et la célébration des sacrements. Vous aimez particulièrement ouvrir la Parole et la faire partager. Vous avez de belles qualités pour le faire, et vous avez aussi le goût du travail intellectuel qui est un préalable nécessaire pour être un ministre fidèle et savoureux de la Parole. Ne vous lassez jamais d’annoncer la victoire de Jésus sur la mort et le péché, qui est toute notre Espérance. Et n’oubliez jamais que pour nourrir l’Espérance, le prédicateur doit parler au cœur, et avec son cœur, plus encore qu’à la tête et avec sa tête. A ce ministère de la Parole que vous avez déjà amplement déployé comme diacre, l’ordination sacerdotale ajoute en particulier la célébration de l’Eucharistie et de la réconciliation. L’Eucharistie est la source même de l’Espérance, en tant qu’elle actualise dans nos vies le Mystère Pascal. La réconciliation est le moyen pour que la miséricorde de Dieu ravive la flamme de l’Espérance dans les cœurs où le péché a pu l’éteindre.
Nous entendons souvent au cours de cette année jubilaire la promesse de saint Paul, que « l’Espérance ne déçoit pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5,5). Cette promesse va s’accomplir pour vous Christie dans un instant, par l’imposition de mes mains, puis celles de tous les prêtres qui sont ici présents : c’est un geste d’appel et de transmission de l’Esprit Saint afin que Dieu lui-même vienne achever en vous ce qu’il a commencé.
Car si vous pouvez devenir aujourd’hui serviteur de l’Espérance en devenant collaborateur du ministère apostolique, c’est parce que Jésus d’abord espère pour vous et avec vous depuis toujours. Il le manifeste à Pierre, le premier des Apôtres, dans la splendide page d’Evangile que nous venons d’entendre. Certains commentaires réduisent cet épisode à une sorte de session de rattrapage offerte à Pierre, pour qu’il efface son triple reniement lors de la Passion par une triple déclaration de son amour. Pierre lui-même, d’ailleurs, donne un peu le sentiment de comprendre les choses ainsi, puisqu’il est peiné que Jésus insiste aussi lourdement, comme s’il doutait de lui. Mais c’est tout l’inverse ! Les questions de Jésus comptent bien plus que les réponses de Pierre dans ce dialogue. Il ne s’agit pas tant pour Pierre d’effacer sa faute, que pour Jésus de dire à Pierre qu’il n’a jamais cessé d’espérer pour lui. A l’heure même où Jésus entendait Pierre affirmer piteusement « je ne connais pas cet homme », Jésus, lui, espérait toujours que Pierre serait bientôt capable de lui redire « Oui Seigneur je t’aime » ! Et désormais, au bord du Lac, devant Jésus ressuscité, Pierre peut dire « Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est toi qui le sais ! » « Toi tu le sais », répète-t-il deux fois, et même « tu sais tout », finit-il par dire : Pierre comprend que la vraie mesure de son cœur, c’est l’Espérance de Jésus pour lui.
Le théologien Hans Urs von Balthasar a particulièrement scruté la profondeur de l’Espérance de Jésus, pour nous et avec nous. Il la contemple en particulier dans le Mystère du Samedi Saint, et de la descente aux enfers : là Jésus a rempli de son Espérance toutes nos descentes aux enfers, toutes ces situations de vie où nous faisons la douloureuse expérience de l’apparente absence de Dieu. Là Jésus n’espère pas seulement pour nous, de manière tout extérieure, mais il espère avec nous, dans une union intime, un cœur à cœur avec nous. C’est bien ce que vous redirez désormais, chaque fois que vous célébrerez l’Eucharistie avec la Prière Eucharistique n°2 : « Nous te rendons grâce, car tu nous as estimés dignes de nous tenir devant toi pour te servir. »
L’Espérance du prêtre ne relève donc pas de la méthode Coué, d’un exercice d’auto-persuasion volontariste : fort de l’Espérance de Jésus pour lui et avec lui, le prêtre se sait véritablement établi dans l’Espérance, fondé en elle. Parvenu au terme de sa course apostolique, Paul en témoigne magnifiquement dans la deuxième lecture que nous avons entendue : « Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. » En relisant son itinéraire apostolique comme une Histoire Sainte, pleine de la présence aimante de Jésus, Paul envisage son avenir en toute Espérance : « Le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen. » Puissiez-vous Christie nourrir en vous de tels sentiments de confiance et d’abandon en redisant à la messe, à la suite de la prière du Notre-Père : « nous attendons que se réalise cette bienheureuse Espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur. »
Puissiez-vous y puiser votre force dans toutes le épreuves et difficultés du ministère que vous rencontrerez, immanquablement ; Puissiez-vous, surtout, conformer votre cœur au cœur du Christ Prêtre, afin d’être capable d’espérer à sa mesure à Lui, d’espérer pour tous. Il y a deux manières en particulier pour un prêtre de vivre l’Espérance à la mesure de celle du Christ : c’est la prière d’intercession, et c’est la qualité de présence aux gens. Être prêtre, c’est être un pont entre Dieu et les Hommes : non seulement se tenir au milieu des Hommes au nom de Dieu, mais aussi se tenir devant Dieu au nom des Hommes, intercédant inlassablement pour toutes les situations rencontrées, et d’abord pour celles où vous ferez l’expérience de votre impuissance : ne vous lassez jamais d’intercéder, puisque rien n’est impossible à Dieu. Et puis cultiver la qualité de votre présence aux gens : n’essayez pas d’être présent à tous, ce n’est pas ce que Dieu vous demande ! Ce que Dieu vous demande, c’est d’être présent à chacun. La volonté d’être présent à tous fait les prêtres inaccessibles, injoignables, toujours ailleurs et en retard. La volonté d’être présent à chacun est la marque du Bon Pasteur. Que Dieu fasse de vous, Christie, un pasteur selon son cœur.
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