"Pourquoi les chrétiens se mobilisent-ils pour les migrants ?" - Messe pour les migrants péris en mer — Diocèse de Carcassonne & Narbonne

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"Pourquoi les chrétiens se mobilisent-ils pour les migrants ?" - Messe pour les migrants péris en mer

Publié le 16/08/2022
Chaque année, pour le mois d'août, la pastorale des migrants et personnes itinérantes diocésaine organise une célébration en mémoire des migrants péris en mer, présidée par Monseigneur Alain Planet.

Le dimanche 7 août 2022, en l’église de Gruissan, était célébrée la Messe pour les migrants et tous les péris en mer. Mgr Planet présidait la cérémonie, accompagné de 6 prêtres et 1 diacre. La chorale animait les chants repris en chœur par l’assistance. A la fin de la Messe, la Procession en montant vers la Tour Barberousse, pour contempler et se recueillir face à la mer, entraina un bon nombre de personnes, dont des touristes enchantés de pouvoir profiter d’une belle occasion de partager les Prières en plein air, et plain d’ardeur.

 

Le « Je vous salue, Marie », prié en 9 langues : Français, Latin, Togolais, Anglais, Italien, Grec, Indien, Burkinabé, et Allemand, clôtura, dans la joie partagée, cette très belle cérémonie. 

 

L'homélie de Monseigneur Alain Planet

 

Pourquoi les chrétiens se mobilisent-ils pour les migrants ? Il me semble que les textes de ce dimanche nous ouvrent un commencement de réponse. La Lettre aux hébreux d’abord : la vie chrétienne y est comparée à une migration vers la Ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte. Les chrétiens se savent, sur cette terre, dans le statut de xenoi kai parepidhmoi c’est-à-dire des étrangers et des migrants de passage. La Ville qu’ils attendent n’est pas un lieu, c’est quelqu’un : le Christ. C’est de lui qu’Augustin a dit qu’il était le chemin et la patrie.

Or le Christ, notre chemin, est celui qui vient instaurer la fraternité sur la terre en nous révélant que Dieu se veut notre Père. C’est pourquoi, l’évangile qu’on vient de nous lire en témoigne, il invite ses disciples à servir leurs frères et à donner ce qu’ils ont aux autres pour recevoir l’inépuisable richesse du Royaume de Dieu. Car parmi ceux que nous sommes invités à servir se tient Celui qui vient et qui est lui-même le Royaume promis selon le beau mot d’Origène. Et cet appel au partage et au service s’adresse tout particulièrement à ceux qui se veulent disciples de Jésus. 

Ce n’est donc pas pour des raisons politiques que nous protestons contre l’indignité du sort fait aux migrants, ce n’est pas au nom d’une idéologie humanitaire, c’est au nom même de ce que nous sommes, de la mission que nous avons reçue, que l’Esprit du Christ accomplit en nous et par nous.

Et si nos actions et nos déclarations peuvent avoir un écho politique c’est parce que la politique de ce monde a trop souvent à voir avec le péché, c’est-à-dire le refus d’aimer, la récusation de la fraternité, la concupiscence du pouvoir et le désir de posséder pour soi ce qui appartient à tous et qu’on ne tient que de Dieu.

Nous avons entendu le témoignage du Père Guy Marcel, il est l’écho du malheur qui frappe non seulement le Burkina Faso mais le continent africain tout entier. Nous savons que ce malheur frappe tous les continents et même notre vieille Europe en proie à la guerre. Or la guerre n’est possible qu’à cause des mauvais désirs des hommes, elle ne peut pas durer ni s’étendre sans une organisation planifiée. Les kalachnikovs ne poussent pas sur les baobabs et il faut d’immenses richesses pour entretenir la guerre aux dépends des populations civiles et pour exacerber leurs divisions ethniques ou religieuses. Notre prospérité occidentale est assise sur le malheur des gens et nous aggravons ce malheur lorsque nous laissons notre peur diaboliser les victimes de cette prospérité qui fuient les guerres que nous entretenons.

Ce soir nous confions à la miséricorde de Dieu les milliers de migrants morts en Méditerranée (il y en avait 3200 en 2021). Nous lui confions tous ceux qui les accueillent, les servent et leur permettent de vivre, non seulement en Méditerranée mais partout en France. Nous lui confions ces personnes déplacées, à l’intérieur de leur pays comme au Burkina Faso ou hors de leurs patries terrestres. Nous lui confions nos gouvernants, nos élus pour qu’ils soient vraiment au service de l’humanité et ne se servent plus des peurs ou des conflits pour établir des situations injustes. Nous lui confions ceux de nos compatriotes qui sont habités par la peur de l’autre et qui suivent les bergers de malheurs qui exploitent leurs peurs. Nous nous confions nous-mêmes pour que notre cœur soit vraiment fraternel, établi dans la paix, affranchi de la peur.

La nuit de la délivrance avait été connue à l’avance par nos pères nous disait le Livre de Sagesse, nous aussi nous connaissons cette libération à venir, nous savons qu’elle est en Christ et déjà nous l’anticipons dans cette eucharistie. Puissions-nous y puiser la force de vivre chaque jour, libérateurs libérés, étrangers en route, migrants de passage, qui se reconnaissent dans ces frères malheureux dont le visage est déjà, celui de notre ultime Juge.

 

+ ALAIN PLANET