Trèbes : messe à l'intention des victimes des attentats — Diocèse de Carcassonne & Narbonne

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Trèbes : messe à l'intention des victimes des attentats

Publié le 21/03/2019

Ce dimanche 24 mars, la messe de Trèbes à 10h30 a été célébrée à l'intention des victimes des attaques terroristes ayant frappées notre département il y a un an. 

Une intention de prière lors de la prière universelle était également dite dans l'ensemble des églises du diocèse. 

Prions pour les victimes des attentats, dans notre département et dans le monde.

 

Voici l'homélie de Mgr Planet :

 

Messe pour les victimes de l'attentat de Trèbes et Carcassonne

 

"Il y a un an nous célébrions ensemble le dimanche de la Passion du Seigneur dans un climat tout particulier et les médias du monde entier, à la porte de cette église, essayaient de comprendre ce que nous faisions, alors même qu’une violence absurde avait semé la mort et instauré le deuil parmi nous. Ils furent saisis par l’antienne du psaume : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné. Nombreux crurent que nous avions écrit cette formule pour l’occasion et restèrent surpris de découvrir qu’il s’agissait d’une antique prière, la dernière qu’a prononcé Jésus avant de mourir.

Et que dire face au malheur qui s’abat à l’improviste ? Vous posiez la question dans le mot d’accueil. Et le malheur s’est abattu ici, non seulement dans cette journée de mars ensanglantée mais à nouveau au milieu d’octobre dans le flot de boue qui est venu ajouter la mort à la mort, le deuil au deuil, la souffrance à la souffrance. Comment ne pas reprendre ce cri ?

Devant le malheur notre première réaction est souvent de l’expliquer, d’essayer de l’enfermer dans un discours raisonnable pour tenter de le dominer et d’apprivoiser la douleur. L’évangile de ce jour nous le montre dans la question, non relatée mais supposée, posée à Jésus devant deux catastrophes imprévisibles. L’une due à la violence des hommes : l’armée d’occupation a tué des Galiléens rassemblés pour prier et l’autre due à une cause naturelle : dix-huit personnes écrasées par l’effondrement d’un immeuble. Et l’on sent que l’explication recherchée est : c’est Dieu qui puni le péché des hommes. Or, Jésus refuse cette explication et, tandis qu’on attend qu’il en donne une meilleure, il ne la donne pas et passe à une parabole sur la patience de Dieu.

C’est qu’en effet, expliquer le mal c’est déjà le justifier. S’il appartient à ceux qui doivent prévoir les catastrophes d’en analyser les causes et de les prévenir, il n’en reste pas moins que la réponse au mal n’est pas de l’expliquer mais de le combattre. Le christianisme est sans doute le seul courant religieux (avec le judaïsme, mais c’est le même arbre) à n’avoir pas de discours pour expliquer le mal, et lorsque les chrétiens essaient trop vite d’expliquer, ils se trompent. Le passage de l’évangile que nous venons d’entendre se place, dans l’évangile de Luc, durant la montée de Jésus vers Jérusalem. Jésus marche vers sa Passion et sa croix. Et il appelle ceux qu’il croise à changer de vie pour ne pas la perdre. Regardons-le. En lui c’est Dieu, devenu l’un de nous qui s’avance vers la séparation, l’angoisse, l’abandon par ses amis, la souffrance et la mort. Ce que les proches des Galiléens massacrés ou des habitants de Siloé portent dans leur coeur a commencé à s’inscrire dans son coeur d’homme.

Paul dans la lettre au Corinthien fait la relecture d’une autre marche : celle de l’Exode du peuple hébreu à travers le désert : une marche remplie de trahison, de fautes, de misères, de deuils, de doutes et où la mort a frappé. Et il nous dit : ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher c’était le Christ. Il signifiait ainsi que, déjà, au coeur de l’épreuve de ce peuple, Dieu, en son Fils, était présent et portait avec lui sa peine.

La première lecture nous montre la rencontre de Moïse avec Dieu. Un Dieu qui se révèle comme celui de la fidélité : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. Et ce Dieu fidèle dans son alliance et ses promesses vient dire : J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple… J’ai entendu ses cris…Je connais ses souffrances ». Et quand Moïse lui demande son nom, il répond par une formule intraduisible tant elle est riche qui signifie à peu près : je suis qui je serai quand je vous délivrerai ; ou bien je serai alors qui je suis, moi qui vous écoute, vous entends et souffre avec vous. Et la forme brève de ce Nom, ici traduite par Je suis est en fait : je suis avec vous, je suis pour vous. C’est cette promesse que nous lui rappelons chaque fois que nous disons la forme liturgique de ce nom : Le Seigneur.

Et la vraie réponse de Dieu à notre cri c’est Jésus lui-même. Il n’explique pas, il n’empêche rien, il vient souffrir à nos côtés et nous ouvre la perspective d’un bonheur sans fin qui s’accomplira en Dieu et qui déjà germe en nous. En lui nous comprenons que Dieu est toujours du côté des victimes puisqu’il s’est fait victime et que sa manifestation est dans cet amour qui nous fait ensemble faire front au malheur par la fraternité.

Dans ces jours terribles de mars ou d’octobre derniers nous avons vu se lever une vague de solidarité, de dévouement, une chaleur qui était à la fois protestation contre le malheur et certitude que l’amour fraternel peut le vaincre.

Dans la lettre aux Corinthiens qu’on nous a lue, si nous avions poursuivi la lecture, nous aurions entendu ceci : Avec l’épreuve Dieu donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. Ce moyen nous l’avons découvert et il est le sens profond de ce que nous célébrons à cet instant : c’est l’amour dont les saintes Ecritures disent qu’il est fort comme la mort… les grandes eaux ne pourront l’éteindre, ni les fleuves l’emporter.

Oui, la réponse au malheur, et le moyen d’en empêcher la prolifération, est dans notre amour mutuel, dans cette fraternité que Dieu, en Jésus Christ, est venu partager."

+ Alain Planet

(Cliquez ici pour télécharger l'homélie)